Mokong : premières impressions

Sr Anne-Marie a déjà passé 25 ans au Cameroun. En 2012, elle est arrivée au Nord Cameroun qui n’a pas grand chose de commun avec le sud !

Actuellement ici, il fait bien frais, la nuit, le matin. L’harmattan souffle ces jours-ci, l’atmosphère est très sèche, un petit voile de poussière commence à tout habiller : les montagnes environnantes, les arbres, les meubles, tant pis pour les maniaques du ménage ! Il peut faire très chaud dans l’après-midi si le vent tombe !

La maison de la communauté

L’Extrême Nord du Cameroun

Oui, terre des extrêmes : la région est aride, des pierres, des pierres partout et pas rien que des petites, il faut voir les blocs derrière nos boukarous ! On marche continuellement dans un sable grossier. La culture est très difficile, dans un sol pauvre, la pluviométrie faible, nous sommes en zone sahélienne ! Et pourtant, l’évêque disait l’autre jour qu’au dernier recensement, la région est la deuxième pour la densité de peuplement après Douala : plus de 100 habitants au km² ! Une pluie depuis mon arrivée ! La prochaine est sans doute pour fin avril ! Les premières récoltes se sont terminées fin novembre ! Le mil de saison sèche est planté : il faisait, en novembre, un soleil de plomb, très vite le matin, dans la plaine que nous traversons pour aller à Maroua mais, partout de très nombreux travailleurs saisonniers étaient à la tâche : les uns creusaient un trou sur une ligne bien droite ; des enfants versaient, dans ce trou, la valeur d’un verre d’eau et quelqu’un plantait une pousse de mil (le karal), tassait la terre autour et à la grâce de Dieu ! On va sarcler régulièrement, la fraîcheur des nuits suffit pour permettre la croissance, les premières récoltes sont attendues en janvier. La verdeur des champs de karal est actuellement impressionnante dans la sécheresse ambiante ! Beaucoup de travailleurs étaient là afin de pouvoir compléter leurs propres récoltes, insuffisantes pour toute l’année. Par ailleurs, là où une irrigation est possible, on a aussi planté des oignons, une culture d’appoint bien rentable pour qui sait la gérer ! On voit ainsi çà et là des petits lopins, carrés, bien entretenus, bordés d’un petit talus de terre, les oignons poussent bien !

Enfants hors de l’école

Un dimanche à la prière en brousse.

Bertrand, responsable d’un secteur paroissial a invité les sœurs à la remise du nom traditionnel à son dernier né qui a bientôt un mois et demi. Il habite un petit village dont il est responsable pour l’animation chrétienne et la promotion humaine. Nous partons pour la prière dominicale. La chapelle a des murs de parpaings, un toit pour moitié de tôle, pour moitié de paille. Au sol, le même sable que partout, quelques rangs de parpaings dû-ment cimentés servent de bancs aux premiers rangs, derrière des pierres çà et là ! Aux murs, une Croix, quelques images, les Coop’monde (ACE) ont affiché sur un carton de récupération le slogan de la nouvelle campagne d’année : « Copains’solidaires : construisons un monde meilleur ! » On entre en procession dans la Chapelle ! La prière est entièrement en mofou ; très belle : les enfants, les femmes, les jeunes animent à leur tour avec une belle énergie : il y a la voix, les canaris que font résonner les femmes, les maracas, les tambours …une belle harmonie ! Je suis impressionnée par le recueillement de tous, les yeux baissés de beaucoup : hommes, A la fin de la prière, Bertrand invite sa femme à venir devant avec son bébé, (elle sort pour la première fois depuis l’accouchement !) A ma grande surprise, Bertrand m’invite à venir marquer son enfant du signe de la croix (en faisant une prière à haute voix, bien sûr !) j’ai été très émue de cette délicatesse ! Il le fera de même, ainsi que sa femme et les autres catéchistes qui sont là. Il n’est pas question de baptême pour l’instant, peu d’enfants sont baptisés bébés. A la sortie, je suis frappée par les canaris bien protégés, près de l’entrée. Des mamans font boire leurs enfants ! Ces canaris conservent l’eau très fraîche, on en voit partout, même dans les rues de Maroua devant certaines boutiques. Importance de l’eau dans ce monde si sec !

Au dispensaire de Moho, à 21 h

Un soir, une de nous devait recevoir une perfusion pour soigner son palu ! Nous allons à Moho, chez les protestants. Le dispensaire est remarquable d’organisation, de propreté ! Ce soir-là, il y a trop de malades : certains se sont installés dehors, sous une moustiquaire quand cela était possible ! A l’entrée de la salle de consultation, une toute petite fille gémit dans les bras de sa maman ! L’infirmier la pique, elle ne pleure même pas ! Elle va mourir ! Elle est très anémiée, il lui faudrait une transfusion mais le sang d’aucun des siens présents ce soir n’est compatible avec le sien ! Notre sœur Catherine dit : « Moi, je suis donneur universel ! »

La communauté : Catherine, M.Louise, Fides, Anne-Marie

Après vérification, on lui prélève 250 ml qu’on transfuse immédiatement à l’enfant puisqu’il n’y a aucun moyen de conservation ! Nous repartons à la maison ! Quelle n’a pas été notre joie, le lendemain de savoir que la fillette était sauvée ! La Providence nous avait conduites là-bas juste à temps ! Trois semaines plus tard, Catherine seule à la maison a eu la joie de voir arriver Papa, Maman et la fillette, qui court partout, venir dire MERCI : avec trois très beaux poulets et une grande cuvette d’arachides, une petite fortune ! Ils ont promis de revenir ! Beaucoup d’émotion pour nous toutes finalement !

A l’école catholique de Mokong

Notre sœur Marie-Louise est directrice

Enfants à l’école

de cette école depuis deux ans ! D’abord école des parents, confiée aux Ursulines en 2008, c’est, depuis la dernière rentrée, une école privée catholique du diocèse, à part entière ! Programmes, rythmes, maîtres…tout est sous le contrôle du responsable diocésain ! L’école a de très bons résultats, la confiance est telle que le nombre d’inscriptions est passé de 200 l’an dernier à 306 cette année ! Pour les nouveaux, un test est obligatoire avec des résultats surprenants mais finalement acceptés de tous, y compris par les enfants concernés. Il est fréquent d’être « rétrogradés » du CM1 par exemple, au CE2, voire au CE1 ou à la SIL ! Un garçon a même dit à notre sœur : « Mets-moi où tu veux ! A G. je devais aller au CM1, mais là-bas, l’école est mauvaise, je ne connais rien, mets-moi où tu veux ! » Il est reparti content à la SIL où il travaille très bien ! Un garçon de 19 ans qui a déjà traîné plusieurs années à faire des petits boulots à Yaoundé où il avait fui, est venu il y a quelques semaines demander à reprendre l’école. Il disait avoir abandonné au CM1, en fait il a à peine le niveau CE1, il y est reparti, apparemment bien accepté des autres enfants et il travaille bien !!!

Des maisons en construction pour les enseignants

J’ai commencé à faire quelques répétitions : un « galop d’essai » ! Naïvement j’avais dit que c’était peut-être dans mes cordes, mais je pensais 2, 3, 4 enfants à la fois…Quand Marie-Louise m’a parlé de CE1, CE2, CM1 ensemble, 2 fois par semaine, je reconnais avoir paniqué, surtout qu’ils s’annonçaient une petite quarantaine d’enfants au total ! J’ai pris deux fois, les 3 cours ensemble ! Mais, même si les enfants d’ici n’ont rien de l’indiscipline, de l’agitation des enfants de France, ils ont vraiment envie d’apprendre ; pour que ce soit efficace, je vais faire des groupes différents, il sera plus facile de faire lire tout le monde et de suivre chacun ! J’ai fait l’expérience avec les CM1, c’est nettement mieux !

Samedi 11, Marie-Louise m’avait demandé d’animer une petite récollection pour ses maîtres ! En suivant les textes, nous avons regardé, écouté Jean-Baptiste ! J’y ai eu beaucoup de joie par la participation de ces jeunes hommes, leur simplicité dans le partage, le silence gardé entre eux pendant ces presque 4 heures ! Dieu fait le reste !

Des Mofous à Yaoundé

Deux fois j’ai parlé de Mofous à Yaoundé ! A une époque on évaluait à 700… le nombre de jeunes hommes (et de moins jeunes désormais) qui ont quitté la région pour aller gagner leur vie à Yaoundé, Douala, Garoua ! Ils font du commerce de chaussures souvent comme Amos ou ils sont gardiens chez des particuliers comme Timothée ou ils vivotent de petits boulots ! Cela pose des problèmes sérieux pour les familles : si Timothée, Amos et d’autres envoient régulièrement de l’argent à leurs épouses et viennent les visiter une fois ou deux par an (le voyage et les cadeaux à apporter indispensables reviennent chers !) beaucoup oublient qu’ils ont une charge ici, n’envoient rien et viennent très peu, la femme doit se débrouiller avec son monde ! Timothée viendra refaire le toit des boukarous de sa concession, Amos a construit une maison en dur que j’ai visitée l’autre jour ! C’est déjà un certain standing même si les meubles y sont rares : la machine à coudre de sa femme, un petit bar, quelques chaises, au sol des nattes comme dans toutes les maisons, dans les chambres des matelas sur des nattes, une malle pour les rangements…

J’ai déjà beaucoup parlé de ce beau pays : c’est vrai les amoncellements de pierres érodées entre lesquelles sortent des arbustes encore verts actuellement, où mûrissait du mil quand je suis arrivée, sont BEAUX !

Boukarous

Il faudrait encore parler de l’habitat qui m’a intimidé au départ : chaque famille a un saré, un ensemble de petits boukarous pour les humains, la garde des bêtes la nuit ou en saison des pluies, le grenier… le tout dans une clôture ! J’ai encore de la peine à franchir seule cette clôture d’autant plus que, s’ils ne sont pas fermés, les Mofous me semblent plutôt réservés ! Mais j’ai appris à dire : Bonjour ! Taprek, le matin, tranformé en Takwat, l’après-midi et soucé, soucé : merci ! soucé ga merci beaucoup ! Il parait que c’est déjà bien !

Au final, je crois que je m’habitue plutôt pas mal ! J’aime déjà ce pays !

Sur ce, il faut s’arrêter ! La suite ? …On verra !

Sr Anne-Marie Gautron, UdJ, janvier 2012

Revenir en haut