Le projet missionnaire du P. Baudouin « au fil de la Providence »

Nous sommes aux lendemains de la Révolution française. La Vendée, région d’origine du P. Baudouin, est restée meurtrie par le passage des « colonnes infernales » de l’armée républicaine du général Tureau.
A Chavagnes où le P. Baudouin sera nommé « prêtre desservant », de nombreux massacres ont eu lieu, l’église a été incendiée et le presbytère est inhabitable.

Un grand projet missionnaire

Le P. Baudouin, quant à lui, avait passé près de cinq ans d’exil en Espagne et à son retour en France il avait dû se cacher et vivre dans la clandestinité plus de deux ans et demi aux Sables d’Olonne.
Pendant ces années « obscures », il avait mûri un grand projet, un projet « reçu d’En-Haut », comme une mission : celle de « relever les murs de Jérusalem », comme autrefois dans la Bible, Israël, au retour de l’exil de Babylone devait relever les murs de Jérusalem abattus par les armées de Nabuchodonosor.

Le P. BAUDOUIN dans la clandestinité aux Sables d’Olonne rencontre Mme Saint-Benoît

Il confie à Mme Saint Benoît, rencontrée aux Sables d’Olonne durant sa clandestinité :
" Vous voyez quels ravages l’impiété a faits en France, et l’on doit tout tenter pour y remédier. Un corps de religieux missionnaires contribuerait puissamment à ranimer la foi et à faire refleurir la religion. Les femmes pourraient beaucoup dans cette œuvre de régénération … Il importe infiniment de travailler à former des mères de famille véritablement chrétiennes… Mais pour donner l’éducation religieuse aux jeunes filles de toutes les classes de la société, il faut, à l’époque où nous vivons, oublier la douce solitude des monastères."

Quelques mois plus tard, il précise dans une lettre du 2 janvier 1802 :
"Que prétendons-nous ? * Réunir un nombre de prêtres zélés et pieux sous l’observance de la règle du Verbe Incarné… Ces prêtres réunis dans une maison, iraient missionner dans les campagnes et dans les villes. * Un nombre de pieuses filles, sous la même règle adaptée à leur sexe et à leurs fonctions, qui les seconderaient dans l’éducation des filles et des femmes et dans le soin des malades ; voilà le but."

Le projet « au Fil de la Providence »

Bonaparte a mis fin à la guerre en Vendée et a rendu libre le culte.

Le P. Baudouin, après s’être engagé par vœux comme religieux avec Germain Lebédesque, son compagnon d’exil, sort de la clandestinité. Il est envoyé comme « desservant » à la Jonchère où il mène pendant quelques mois une ardente « vie missionnaire ».

Il arrive à Chavagnes le 31 juillet 1801. « Il paraît, avait-il écrit à Mme Saint Benoît, que la divine Providence m’envoie missionner dans le bocage ».

Il commence son ministère pastoral dans le bocage de Chavagnes par une grande « mission » où il se dépense sans compter. Il y est « plongé jusqu’au cou » écrit-il.

Il avait déjà commencé à accueillir quelques jeunes aux Sables et à la Jonchère pour les préparer au sacerdoce. Il les fait venir à Chavagnes et se met bientôt à en accueillir d’autres. De trois en 1802, ils sont 70 en 1805 et le P. Baudouin est devenu rapidement fondateur d’un séminaire dans sa paroisse, le premier séminaire dans l’ouest de la France après la révolution.

Désormais son projet missionnaire prendra la forme d’un engagement pour la formation des jeunes en vue du sacerdoce, d’abord à Chavagnes puis aux grands séminaires de La Rochelle et enfin de Luçon.

A Chavagnes, il avait aussi accueilli Mme Saint Benoît et ses premières compagnes, noyau de ce qui va devenir bientôt une jeune congrégation florissante « pour l’instruction des filles et des femmes et le soin des malades. »

Le P. Baudouin n’a pas oublié non plus son projet d’une société de religieux missionnaires qui « iraient missionner dans les campagnes et les villes ». La petite société commence avec les professeurs qu’il a rassemblés pour le séminaire de Chavagnes.

Plus tard, en 1820, alors qu’il est supérieur du grand séminaire de La Rochelle, Mgr Paillou lui demande de lancer une équipe de missionnaires sur la Saintonge. Le P. Baudouin espère bien en faire partie, car cela correspond parfaitement à son projet missionnaire, mais l’évêque veut le maintenir au service du Séminaire. Il devra se contenter d’écrire un règlement pour les missionnaires et de rester en contact avec eux par courrier.

Ainsi, le « Fil de la Providence » avait élargi le projet « missionnaire » que le P. Baudouin avait envisagé, à celui d’ « éducateur » dans les séminaires.

La Providence, le « bon plaisir de Dieu », ces expressions n’étaient pas que « de belles paroles » pour le P. Baudouin, elles correspondaient à des comportements, une manière d’être dans sa vie, elles le conduisaient à marcher dans la vie, quoi qu’il arrive, avec liberté, le cœur libre, « au large », ce qu’il appelait « la latitude de cœur » …

Sa confiance dans la divine Providence était sans bornes : il la regardait comme une tendre mère qui avait toujours les yeux ouverts sur lui. (Esprit et vertus, p.45).

De La Rochelle où il vivait son « projet missionnaire » comme supérieur du grand séminaire, où le « fil de la Providence » l’avait conduit, le P. Baudouin écrivait à la Mère Saint-Benoît :
Dès ma cléricature, j’ai désiré le bien des âmes ; j’ai désiré me cloîtrer à deux fois surtout ; mes démarches n’ont pas réussi. J’ai suivi le fil de la Providence ; il m’a conduit là. J’y resterai jusqu’à ce qu’elle en ordonne autrement. 20 juin 1816

Cette expression du P. Baudouin : « le fil de la Providence » a-t-elle encore un sens pour nous aujourd’hui ? dans notre société sécularisée qui peine tant à assurer du travail pour tous et une retraite juste …
Qu’en pensez-vous ?

P. Marcel BERTHOME , Communauté Ste Marie


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